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27 octobre 2022 | Communauté

La Permaculture pour transformer l’entreprise par Constance Laroche

Au Jardin Qui Nourrit, nous cherchons à promouvoir la permaculture, donc aussi celles et ceux qui en sont les ambassadeurs, que ce soit au potager ou ailleurs. Aujourd’hui nous recevons Constance Laroche, permacultrice au service des organisations. Elle accompagne les entreprises dans leur transition en appliquant les principes de la permaculture afin de les rendre plus durables, plus apaisées, plus humaines et finalement plus efficaces. Elle nous parle de son livre, L’Entreprise Fertile, (éditions Reverse) dans lequel elle aborde  les sujets majeurs de notre époque sous l’angle du travail : notre relation au temps, à la terre, aux ressources, aux autres, aux valeurs de notre société… et comment elle en est venue à l’écrire.

Comment en êtes-vous arrivé à écrire ce livre / Quelle est son ambition ? (Y a-t-il eu un déclic particulier ?)
Pour être honnête, je n’avais pas du tout prévu d’écrire ce livre. Nous étions à l’époque en plein confinement, ce qui a mis un coup d’arrêt au lancement de mon activité professionnelle d’accompagnement d’entreprises. Mais comme on dit en permaculture: “le problème est la solution”. Une amie m’a alors suggéré de mettre sur papier mes idées d’application de la Permaculture à la sphère professionnelle et d’en faire un livre blanc. Quand j’ai commencé à m’intéresser à l’application de la permaculture à la sphère professionnelle, je n’avais pas trouvé beaucoup de littérature sur le sujet, surtout en français. Cela m’avait manqué et je voulais, au travers de ce livre, donner mon point de vue sur des applications possibles dans le travail. C’est ce qui m’a mise à la tâche. plus j’écrivais et plus les idées me venaient me servant de toutes mes expériences professionnelles et personnelles, des rencontres et témoignages qui m’avaient été apportés par d’autres. Et quand j’ai commencé à parler de ce projet d’écriture, mon entourage m’a vivement conseillé de le faire imprimer pour que l’objet reste, qu’il circule et surtout qu’il soit plus facilement lu.
Avec ce livre, mon ambition était – ou ma récompense serait – d’inspirer d’autres personnes, qu’il résonne dans leur quotidien et qu’il sème des petites graines de changement dans leurs consciences.

La permaculture est généralement associée au potager et pas vraiment à l’entreprise, est-ce que ce livre est la preuve que la permaculture est en train de se démocratiser au sein de nos sociétés ?
J’espère ! En tout cas c’est un de mes souhaits. La permaculture a été utilisée en tout premier lieu en agriculture car c’était sa vocation première, dans un contexte de crise pétrolière majeure. L’enjeu à cette époque – et encore maintenant – était de pouvoir sortir d’un modèle agricole reposant sur les énergies fossiles. Les fondateurs se sont donc inspirés du fonctionnement de la nature et ont dessiné les grands principes de la permaculture. Mais ce que je trouve fantastique dans cette approche c’est que ces principes font tout autant sens dans l’agriculture, que dans l’éducation, la santé, l’habitat ou encore le monde professionnel. De nombreux permaculteurs sont en train de les appliquer dans toutes les sphères de la vie quotidienne, preuve que la permaculture ne se cantonne pas à une méthode mais qu’elle s’apparente davantage à une philosophie de vie dont chacun est libre de s’inspirer dans son quotidien.

Combien de temps vous a-t-il fallu pour l’écrire ? Comment vous êtes-vous pris pour appliquer les principes de la permaculture à l’entreprise ?
J’ai commencé l’écriture du livre lors du premier confinement, en avril 2020 et je l’ai fini en octobre de la même année, donc six mois d’écriture intense.
J’ai découvert la permaculture, comme beaucoup de novices, lors d’un stage d’introduction avec l’envie de créer un petit jardin potager. A cette époque j’habitais à Paris et je ressentais le besoin du lien à la terre de plus en plus présent. Professionnellement, j’étais dans une phase de questionnement profond. Avec le recul, je crois qu’on pourrait appeler ça la crise de quarantaine professionnelle: je ne trouvais plus beaucoup de sens à ce que je faisais, j’avais perdu confiance dans l’entreprise qui m’employait et je me rendais compte que je n’étais plus du tout en phase avec les valeurs qui étaient prônées par l’organisation comme la compétition, l’investissement à outrance, la recherche d’ultra-rentabilité au mépris de la préservation des ressources naturelles et de la santé des salariés. J’avais besoin de m’ancrer dans un nouveau projet professionnel qui fasse sens pour moi. C’est là que le stage d’introduction de la permaculture m’a ouvert les yeux. En découvrant les douze principes, j’ai eu l’intuition qu’on pourrait certainement les appliquer au champ professionnel. J’en ai parlé à mes professeurs qui m’ont conseillé d’explorer la permaculture humaine, c’est-à-dire l’application de la permaculture aux écosystèmes humains. C’est ce que j’ai fait en suivant des formations avec Samuel Bonvoisin (Université les Alvéoles). Cela m’a permis de comprendre comment je pourrais appliquer la permaculture à la sphère professionnelle. J’ai réfléchi à la façon de transposer chaque principe dans une organisation: comment faire ? Pour quel impact individuel et collectif ? Et j’ai ensuite testé l’approche auprès d’entreprises partenaires qui ont accepté d’être mes cobayes en quelque sorte. Cela a été très riche d’enseignements et j’ai pu ainsi ajuster et affiner mon approche.  Après la sortie du livre, je me suis pleinement lancée dans l’accompagnement d’organisations avec Gaëlle Heurtebis, ma coéquipière dans cette aventure, sous l’emblème Pollinisae.

Pourquoi l’avoir appelée l’Entreprise Fertile ? Cela veut-il dire qu’il garantit une pérennité managériale ?
En permaculture, on utilise souvent les termes de fertilité ou d’abondance. Si on reprend l’exemple du potager, on cherche à agrader le sol pour le rendre riche et bien vivant afin qu’il nous nourrisse. Dans ce titre, il y a l’idée qu’une entreprise est riche de tous les êtres qui la composent et dont elle a la responsabilité de prendre soin, mais aussi de toutes les relations qu’elle noue avec l’extérieur. Il y a aussi l’idée que pour être fertile, une entreprise doit tout mettre en œuvre pour préserver les ressources naturelles pour les générations futures. La fertilité d’une organisation est en quelque sorte sa capacité à rassembler autour d’elle les talents dans le but d’avoir un impact positif sur le monde. Par ce titre, je voulais dépasser le clivage qui trop souvent existe entre rentabilité économique, écologie et épanouissement. Je voulais montrer qu’une entreprise est fertile si et seulement si elle prend soin de la globalité de son écosystème.

À qui ce livre est-il destiné ? S’adresse-t-il uniquement aux personnes appartenant au monde de l’entreprise ou touche-t-il un public plus large ?
Ce livre s’adresse à toutes les personnes qui aspirent à transformer les entreprises pour les amener vers plus de sens, de cohésion et de plaisir à travailler ensemble. Il est destiné à celles et ceux qui considèrent que l’on peut créer des entreprises pleines de vie et où il fait bon travailler, que l’on soit dirigeant, manager, collaborateur, étudiant ou travailleur indépendant. Il s’adresse à toute personne désireuse d’utiliser son pouvoir de transformation.

Quels sont les grands thèmes abordés ?
C’est un livre qui aborde les sujets majeurs de notre époque sous l’angle du travail : notre relation au temps, à la terre, aux ressources, aux autres, aux valeurs de notre société… Nous nous intéressons aux questions essentielles du mieux travailler ensemble, du plaisir, de la collaboration, de la valorisation des différences, du sens apporté par le travail, de l’autonomie, et de l’épanouissement personnel. Ce livre est avant tout un point de vue, une proposition pour concevoir un autre rapport au monde du travail, appuyé par des années d’expériences, des recherches, de rencontres et d’échanges.

Quelles ont été vos inspirations ou modèles pour ce livre ?
Mes sources d’inspiration ont été très nombreuses pour ce livre et il me serait difficile de toutes les citer. Bien sûr, il y a les pères fondateurs de la permaculture David Holmgren et Bill Mollison, mais aussi des humanistes, des philosophes, des sociologues, des botanistes, des chercheurs, des psychologues, des permaculteurs, mes amis, et bien sûr ma famille car je me suis aussi inspirée de ma propre expérience professionnelle et personnelle. J’ai cherché à tirer des enseignements de ce qui m’avait marqué dans mon parcours et peut-être aussi manqué pour m’en servir comme base de réflexion à la création d’un environnement professionnel plus permacole, qui cherche à avoir un impact positif sur le monde.

La seconde partie du livre est consacrée à l’utilisation de la méthode du design pour accompagner la transition. Comment concrètement s’applique-t-elle et quels sont les principes de permaculture privilégiés ?
Effectivement dans la seconde partie du livre, je propose d’utiliser la méthode du Design en permaculture pour amorcer la transition de son organisation, qu’on souhaite l’appliquer à un niveau individuel (qu’est-ce que je veux changer pour moi dans ma relation au travail ?) ou à un niveau collectif (comment voulons nous travailler ensemble et que cherchons nous à construire ?).

Cette méthode, aussi appelée OBREDIM, est l’acronyme de Observation, Bordures, Ressources, Evaluation, Design, Implémentation, Maintenance. Elle se déroule en sept étapes successives après avoir défini le projet de transformation. Il serait sans doute trop long d’entrer dans le détail de chacune de ces étapes pour présenter la méthode de manière concrète. Mais ce qu’on peut en retenir dans les grandes lignes, c’est que tous les principes sont présents à un moment ou un autre dans la démarche. Pour en donner quelques exemples, la méthode débute par une grande phase d’observation qui est aussi un principe en permaculture “Observer et interagir”. Cette étape permet de prendre conscience de ce qui est, ce qui existe avant de chercher à tout changer de manière brutale. Sans analyse et sans jugement on cherche par exemple à représenter l’organisation, son environnement, les relations entre les individus, les moments clés de son histoire, les tensions et les succès, le niveau d’énergie présent…C’est une sorte d’état des lieux géant.  Un autre principe très utile dans cette démarche est “Se servir de la diversité et la valoriser”. Ce principe propose de considérer la diversité existante dans l’organisation comme une richesse à mettre au service du projet de transformation. Concrètement, après avoir analysé l’existant, les limites et les forces de l’organisation par rapport à son souhait de changement, le Designer propose plusieurs axes de travail. Mais ce qui est réellement intéressant à cette étape est la manière dont le groupe va s’emparer des pistes de travail, les prioriser, peut-être les modifier afin que la transformation soit l’œuvre de toutes et tous et surtout qu’elle fasse sens sur le long-terme.

Enfin pour citer un dernier principe qui me tient à cœur j’aimerai parler de celui-ci “Appliquer l’auto-régulation et accepter la rétro-action”. Il y a ici l’idée qu’aucun changement, qu’aucune transformation ne peut être parfaite et juste du premier coup. La nature se modifie avec lenteur et par petite touche successive. Il s’agit donc d’accepter de tester, de regarder comment la modification est vécue et ne pas hésiter à corriger, améliorer ce qui a été fait. On a le droit de se tromper. L’erreur est même bénéfique quand elle met à jour des défaillances ou de nouveaux problèmes. C’est ici à la fois la valeur de l’essai mais aussi celle du droit à l’erreur qui sont mises en avant.

D’autres livres en préparation ?
Non pas pour le moment mais comme je n’avais pas prévu d’écrire ce livre, je ne peux pas trop m’engager (rires). Je préfère me laisser porter par les opportunités, les rencontres, les découvertes….suivre la route sans chercher à voir trop loin. Et si un nouveau livre est édité un jour, c’est qu’il devait sortir.

Un mot de conclusion ?
Merci de m’avoir donné la parole et d’avoir ainsi eu l’occasion d’élargir les champs d’application de la permaculture. J’espère que nous serons de plus en plus nombreux à œuvrer jour après jour pour la transformation des organisations dans le respect et l’attention portée au vivant. J’ai la conviction profonde que nous avons toutes et tous la capacité d’agir à notre échelle pour transformer par petites touches le monde dans lequel nous vivons.

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