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30 juin 2023 | Communauté | Pour les petits

Mon Premier Jardin en Permaculture par Nelly Pons

Nelly Pons est née sur un domaine agricole. C’est peut-être pourquoi elle a un lien si fort avec le vivant et que son engagement pour le défendre est ancré si profondément en elle.

Diplômée d’un double cursus scientifique et culturel, son parcours est fait de chemins multiples alliant création (danse, écriture, son…) et engagement (journalisme, événementiel, agroécologie…). Ancienne assistante de Pierre Rabhi, elle est l’autrice de plusieurs livres : un Que sais-je? sur la permaculture (Puf, 2022), Océan plastique (Actes Sud, 2020), Déplastifier sa vie (2022), Débuter son potager en permaculture et Choisir de ralentir (2017). Elle a aussi collaboré aux ouvrages Animal de Cyril Dion (2021) et Vers la sobriété heureuse de Pierre Rabhi (2010).

Aujourd’hui, elle nous parle de son nouveau livre Mon Premier Jardin en Permaculture chez Acte Sud Jeunesse, un ouvrage aux multiples niveaux de lecture, qui ne s’adresse pas seulement aux plus jeunes et dont la dimension philosophique nous invite à retrouver nos yeux d’enfants pour faire évoluer notre rapport au vivant. Elle nous explique aussi pourquoi encourager la diversité est fondamentale et pourquoi la permaculture est chez elle source de beaucoup de joie !

Bravo pour ce formidable livre. Pour commencer pouvez-vous nous dire à qui il s’adresse? Aux enfants à partir de quel âge ?
Mon Premier Jardin en Permaculture a été pensé pour les enfants. Je ne donnerais cependant pas de tranches d’âge particulières, car s’il est assez exigeant en termes de contenu, il y a différents niveaux de lecture dont chacun peut se saisir à sa manière. Disons, à titre indicatif, qu’on peut commencer à cinq ou six ans accompagné par un adulte, et à partir de neuf ou dix ans en autonomie. Après, il y a beaucoup d’infos, donc même au-delà de 12 ans, un enfant peut être intéressé. J’ai même eu des témoignages d’adultes à qui il plaisait et qui comptaient s’en saisir pour pratiquer !

C’est un ouvrage très fourni avec beaucoup de contenu. N’est-ce pas un peu ambitieux pour les enfants ?
Oui et non. Si je n’avais pas envie de ne transiger sur le contenu, sur la richesse de la permaculture et les portes qu’elle entrouvre, il y a plein de niveaux de lecture différents, qui offrent la possibilité de se saisir de certaines choses tout en en laissant d’autres de côté. C’est pour ça qu’au-delà du texte principal, le livre est organisé sous forme d’expériences à mener, d’anecdotes à découvrir, de notions à aller fouiller… J’ai beaucoup travaillé avec le service graphique d’Actes Sud pour que les encadrés, expériences et notions importantes ressortent de manière évidente et qu’un enfant puisse les parcourir comme il l’entend, en fonction de son profil et de ses centres d’intérêt. Donc oui, il est très fourni et foisonnant (comme l’est la permaculture elle-même !), mais on peut très bien picorer à l’intérieur, on n’est pas obligé de le lire de A à Z. Différents chemins de lecture sont proposés.

« Pour moi, la permaculture est une démarche, un chemin. Ce n’est ni un ensemble de techniques ni une finalité en soi. »

Quelle était votre ambition ? Pourquoi les initier à la permaculture ? Pour l’instant, c’est plutôt un domaine qui s’adresse aux adultes.
Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais à part une brève citation dans le texte d’introduction, le mot permaculture n’apparaît qu’à la fin du livre. L’idée, pour moi, n’était pas de mettre en avant la permaculture en tant que tel, mais d’accompagner les premiers pas d’un enfant au jardin. Et quitte à le faire, autant profiter de ce que nous savons sur le respect du vivant, son fonctionnement et la manière dont on peut s’inspirer des écosystèmes pour améliorer nos pratiques.

Mon ambition avec ce livre est de prendre la main de l’enfant et l’amener, par l’expérience, en touchant et en faisant, à comprendre comment ça marche un jardin. C’est pour ça que la première chose qu’on fait, c’est d’aller en forêt ou au pied d’un arbre pour observer ce qu’il s’y passe. Ce n’est qu’après, soit à la fin du livre, qu’on lui dit que toute cette démarche porte un nom et qu’on explique ce dont il s’agit. Mais en réalité, c’est secondaire. L’important, pour moi, c’est de lui faire toucher du doigt la dimension systémique du monde qui l’entoure. Une notion qui n’est pas très facile à aborder avec un enfant et que la permaculture éclaire avec brio.

Pour moi, elle est une démarche, un chemin. Ce n’est ni un ensemble de techniques ni une finalité en soi. L’idée, c’était vraiment d’essayer de leur faire sentir, ressentir, ouvrir les yeux, le regard, les écoutilles… Quitte à se tromper, ce n’est pas grave, on s’en fiche. On fera mieux la prochaine fois. Mais pour les enfants qui veulent aller plus loin dans la découverte de la permaculture, il y a aussi tout ce qu’il faut : les principes, l’éthiques, l’origine du concept… À chacun de choisir ce qui l’intéresse le plus !

C’est un ouvrage puissant, en termes de chemin personnel, ce qui, à mon avis pourrait résonner plus chez un adulte que chez un enfant qui n’a pas forcément d’éléments de référence. Est-ce qu’au fond ce livre n’est pas un peu aussi destiné aux adultes ?
C’est effectivement un ouvrage qui peut parler à toutes les générations, pas seulement aux enfants. S’il est pensé pour eux, comme vous l’avez dit, il est ambitieux en termes de contenu et il y a parfois plus de choses que dans certains livres pour adultes. Ceux-ci peuvent d’autant plus s’y retrouver que le langage n’est pas du tout enfantin. En plus, comme il y a plein de clés d’entrée, un adulte pourra très facilement, si quelque chose l’intéresse, faire ses propres recherches pour aller beaucoup plus loin.

« La notion de diversité me parait fondamentale. De bien des manières, notre civilisation a choisi la voie de la simplification et de la spécialisation à outrance. On a nivelé les différences culturelles, homogénéisé les différentes manières d’être au monde. »

Est-ce que vous pensez que beaucoup d’enfants aujourd’hui ont envie de se lancer dans un potager ?
Un enfant qui n’est pas au minimum initié, d’une manière ou d’une autre, par ses parents, ses grands-parents, ses voisins, ses amis ou l’école, ne va probablement pas spontanément se mettre à cultiver un potager. En revanche, il y a de plus en plus d’enfants qui se posent des questions. Le changement climatique, les pollutions ou la crise de la biodiversité sont des sujets désormais abordés dès l’école primaire, en classe. Pour ceux qui se questionnent (et je pense sincèrement qu’il y en a de plus en plus), alors il peut apporter des éléments de réponse à la fois concrets et joyeux.

Mais en quoi la permaculture dans son ensemble, peut-elle résonner chez les enfants ?
Par le changement de regard qu’elle propose. Aujourd’hui, notre civilisation est à la croisée des chemins. On verra bien ce que l’avenir nous dira de la suite de notre Histoire. En revanche, on est un certain nombre à être convaincu que tout va se jouer dans notre capacité à changer profondément le regard que nous portons sur le reste du monde vivant – y compris à l’intérieur de notre propre espèce – sur l’altérité, les solidarités, la diversité, les complémentarités…

Au-delà des légumes que l’enfant fera pousser dans son jardin, ce qui m’a porté pendant l’écriture du livre, c’est cette invitation à cultiver l’ouverture du regard. D’amener l’enfant à, naturellement, par sa propre observation, changer son rapport au monde vivant. C’est parce qu’il va jardiner qu’il va percevoir la temporalité d’une plante, se rendre compte de la richesse de la graine, qu’il va se rendre compte que face à l’incroyable capacité des plantes à se reproduire, la faim dans le monde est une absurdité, elle ne devrait pas exister. Il y a tant de choses que l’on peut appréhender grâce au jardin.

Parmi les nombreux principes mis en avant par la permaculture, la notion de diversité me parait fondamentale. De bien des manières, notre civilisation a choisi la voie de la simplification et de la spécialisation à outrance. On a nivelé les différences culturelles, homogénéisé les différentes manières d’être au monde. Et je pense qu’en (re)découvrant la richesse du monde vivant, on peut percevoir la manière dont le foisonnement de la nature est intrinsèquement lié à cette importante diversité d’êtres et de relations. C’est l’un des enseignements majeurs de la permaculture et du jardin. C’est la diversité qui nous tient debout. Elle est une clé de notre jardin comme de notre avenir. Ces choses-là sont donc aussi importantes, peut-être même plus encore, que les gestes qu’on accompagne dans le livre.

Parlons un peu de la forme. Quelles ont été les clés pour concerner, pour impliquer les lecteurs ? J’ai vu qu’il y avait un découpage par saison.
Il y a d’abord un découpage par doubles pages thématiques. L’idée m’est venue de Copain des Bois, la bible des jeunes aventuriers de ma génération ! Ce livre est juste extra dans sa manière d’accompagner l’enfant à la découverte de la forêt, en l’invitant à faire des bivouacs, des cabanes, en lui apprenant à se repérer sur une carte, à tenir un journal… C’est un peu l’école de la forêt avant l’école de la forêt. À partir de là, j’ai eu l’envie de proposer les différentes clés d’entrée dont je parlais plus tôt – encadrés, le savais-tu ?, expériences… – avec des choses ludiques et faciles, et d’autres plus conséquentes qui demandent un peu plus de temps et d’investissement.

Après, j’ai choisi une organisation par saison en commençant par l’automne car le sol, c’est la clé de voûte de notre jardin et c’est dès l’automne qu’on le prépare. En plus, ça tombe bien car c’est aussi la meilleure saison pour comprendre ce qui se passe dans les forêts. Puis, je me suis dit que l’hiver est une saison propice au design, à la préparation de soi et de son projet, et j’ai assez naturellement décidé de poursuivre ce découpage par saison, d’en faire des grandes parties à l’énergie et au visuel différents. Après, je me suis listée les fondamentaux que je ne voulais pas oublier, les anecdotes que je pouvais ajouter, les expériences rigolotes… J’avais envie que ce soit simple et ludique, que les enfants s’amusent.

En conclusion, est ce que vous pouvez me dire quelle place tient la permaculture dans votre vie ?
Elle est source d’une grande espérance, car elle me rappelle qu’on peut avoir confiance dans les dynamiques du vivant et que, quelles que soient les prédictions obscures ou les modélisations annoncées, si on agit dans le bon sens, on peut être surpris de la résilience et de la capacité que le monde vivant a de surpasser les épreuves. Puis, elle est très concrètement un projet pour notre lieu avec mon compagnon. Pour l’instant, nous avons planté quelques arbres, installé un potager, nous faisons un peu de jus de raisin… mais nous ne nous sommes pas encore lancés dans le vrai design du lieu. La permaculture est donc, pour moi, un potentiel énorme source de beaucoup de joie !

 

Crédit photo : Eric Dervaux

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